Eté 1987, Tanzanie, 6 000 mètres d’altitude. Du haut du Kilimandjaro et de mes 15 ans, je contemple l’immense plaine et les nuages, en contrebas. J’ai les larmes aux yeux, le coeur en feu. Dois-je vraiment redescendre?

Cette ascension inoubliable est le point d’orgue de mon dernier périple africain au départ de mon Zaïre natal. Dans quelques semaines, je rejoindrai définitivement la Belgique, ce pays marqué par la froidure et la grisaille, dans lequel toute la création plie douloureusement sous le contrôle de l’homme.

Adieu aux immenses étendues sauvages, aux centaines d’espèces d’animaux libres et aux grands troupeaux, aux randonnées de dizaines de kilomètres sans rencontrer personne, au soleil fidèle, au concert quotidien des grillons sous ma fenêtre, aux tourbillons de papillons colorés au bord des flaques d’eau, à la liberté quasi-absolue, aux sourires omniprésents…

Hiver 1987, Fléron, faubourgs de Liège. Je déprime, jour après jour. Ce bruit, ce béton, ces émanations de voitures omniprésentes, ce froid, cette disparition désespérante du soleil, ce stress si tangible et puis cette absence de Nature vraie… Peut-on vivre heureux dans ce pays ?

Automne 1988, Spa, Ardenne. Je respire un peu. Au fil du temps, en ouvrant les yeux, j’ai fini par me rendre compte de la présence de Dame-Nature, malgré l’absence définitive de grands espaces sauvages, malgré le manque cruel de sanctuaires chargés de mystères. Oh bien sûr, pas de gazelles ni de lions, mais l’un ou l’autre renard. Pas des centaines d’espèces d’oiseaux ou de papillons, mais une certaine diversité tout de même. Et puisque je suis amené à vivre dans ce pays surpeuplé, pourquoi ne pas me consacrer à la sauvegarde du dernier espace vaguement sauvage et mythique du pays ? Oui, c’est ça, plus tard, je serai garde-forestier, dans la « grande » forêt ardennaise !

Au fil des années, je me passionne pour le dernier des grands et mythiques animaux de nos forêts : le cerf. Dans le même temps, mon intérêt s’étend à la photographie de la nature en général. Par souhait de faire redécouvrir, apprécier et respecter ce qui nous reste de nature sauvage: regardons cette vie qui grouille autour de nous, qui s’accroche entre les dalles de nos allées de béton, qui vole de branche en branche dans notre pommier, qui gambade dans la prairie d’à côté, juste derrière les maisons…Regardons-la et surtout, faisons en sorte que nos petits enfants puissent eux-aussi s’en émerveiller !

Dans nos régions, malgré l’urbanisation galopante et le rythme effréné de nos modes de vie, bien des choses sont encore à préserver, avant de les rassembler sur l’arche de Noé. Chacun peut agir, à son échelle, selon ses possibilités : d’abord ouvrir les yeux, puis apprendre et enfin, avec modestie, tenter de sensibiliser ».

(Extrait de mon tout premier ouvrage « Instants fragiles », Editions Eole, 2003 -épuisé- ).